Quand la première fois j’ai entendu parler de ces applications*, je me suis dit, chouette, enfin quelque chose qui va aider un grand nombre de personnes à manger mieux. Je conçois aisément que pour une partie de la population, s’intéresser, s’informer, scanner de cette manière est peut être plus accessible que de lire les étiquettes qui n’en finissent plus, et à à la loupe qui plus est.
Puis j’en ai téléchargé deux et j’ai commencé mes expériences. J’avoue qu’elles furent vite décevantes. Je me suis aperçu que tout dépend de ce qu’on regarde et comment interprète les informations disponibles. Pour schématiser, nous avons un système de couleurs qui est censé d’indiquer si l’aliment est bon pour la santé ou pas.
Vous connaissez le système Nutriscore ?
Le Nutri-Score, aussi appelé système à 5 couleurs, est un système d’étiquetage nutritionnel basé sur un logo avec cinq valeurs allant de A à E et du vert au rouge, établi en fonction de la valeur nutritionnelle d’un produit alimentaire. Il a été mis en place par le gouvernement français en 2016 dans le cadre de la loi de modernisation du système de santé.
Il a pour but de favoriser le choix de produits plus sains par les consommateurs et ainsi de participer à la lutte contre l’augmentation des maladies cardiovasculaires, de l’obésité et du diabète1.
Le score est calculé par un système de points, le score le plus faible étant le meilleur.
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éléments défavorables au score : apport calorique pour 100 grammes, teneur en sucre, en graisses saturées et en sel.
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éléments favorables au score : teneur en fruits, légumes, légumineuses et oléagineux, teneur en fibres, et enfin teneur en protéines.(source wikipedia)
Les failles (non exhaustives)
En lisant cette présentation vous pouvez déjà vous aperçevoir des failles d’un tel système.
- se baser sur les calories nous empêche de différencier les choses finement : nous savons très bien que les calories ne sont pas toutes égales : vous pouvez avoir un plat complet avec des ingrédients sains à 500 kcal comme par exemple un steak haché avec des haricots verts et un morceau de beurre ou bien avaler un Big Mac ou encore manger 2 morceaux de brownie. La teneur en calories est la même, mais le niveau de nourrissement pour votre corps est complètement différent : la première version vous apporte des bons légumes, des protéines, et les bonnes graisses , la deuxième option bien alléchante est très pauvre en légumes, donc aussi en vitamines, et la troisième ne vous apporte quasiment que des sucres et des graisses – de quoi grossir.
- Se focaliser sur les graisses saturées passe à côté des nombreuses évidences et recherches qui n’ont pas établi de lien entre les maladies cardio-vasculaire et les graisses saturées. Quel dommage, car on ne compte plus les publications, ça fait 20 ans que la diabolisation des graisses saturées est terminée au niveau scientifique, et pourtant on l’entretient encore…**
- Le sel en soi ne poserait pas autant de problèmes si le produit n’était pas manufacturé. C’est à dire que vous ne devez pas culpabiliser si vous mangez des bons légumes (avec du potassium :-). Le problème commence quand la teneur en sel dans les produits industriels ou transformés explose : faute d’avoir du goût, il faut rajouter du sucre, du sel et des arômes. Donc le problème n’est pas le sel en gros, mais l’industrie agro-alimentaire.
- Il n’est nulle part question de qualité, et ça, c’est vraiment dommage. On oublie la question essentielle d’une alimentation santé.
- De plus, dans le Nutriscore on ne tient pas compte des additifs, des édulcorants, des colorants, des conservateurs, des adjuvants et tous ces produits qui peuvent être très nocifs : à tel point que dans la bio la liste des additifs est limitée à 24 et tout le reste est interdit…
- l’ANSES doute de la pertinence du système
- Et le meilleur pour la fin : comme les industriels savent ce qui enlève et gagne des points dans ce système, ils adaptent leur recettes : on ajoute un peu de protéines par ci ou un peu de fibres artificielles par là, (voire les deux) les astuces ne manquent pas. Je ne rentre pas dans le sujet, si les ingrédients bizarres dans les aliments vous intéressent, regardez le reportage d’Elise Lucet.
Pour illustrer le tout, voici une capture d’écran de quelques recherches :
Je n’en croyais pas mes yeux : selon l’application nous devrions manger des céréales chocolatées, de la glace vanille (points verts) au lieu de l’emmental au lait cru ou de la véritable rillette du Mans avec quatre ingrédients à son actif (viande, gras, sel, poivre)
Donc la conclusion induite dans un tel système : il vaut mieux manger industriel. Et là, je ne suis pas d’accord. Je pense même que c’est une aberration.
D’où le propos de mon article : Méfiez-vous des simplifications et s’il vous plait, réfléchissez. Posez-vous ces 5 questions essentielles :
Ma conclusion : je crois bien qu’il faudrait manger des produits sans code-barre 😀 : des légumes du marché, de la viande des producteurs locaux, des fruits des vergers voisins etc etc. Cela vous semble trop compliqué ? C’est notamment pour cela que j’ai écrit le livret Comment mangez bio sans vous ruiner que vous pouvez télécharger en vous inscrivant à ma newsletter. Il y a tellement de personnes et de bonne volonté autour de vous aujourd’hui, que je suis sûre qu’en persévérant vous trouverez les moyens de manger sainement simplement….
*Open food facts, Yuka, Labeleat, Scaneat, Caddie Equilibré, Nutrition Score, Healfy etc etc.
** Cholestérol, mensonge et propagande
Bowden et sinatra etc.
Si vous souhaitez aller plus loin, je vous conseille les livres :
Nourritures Vraies, Taty Lauwers, Aladdin, 2010
Les règles d’une saine alimentation, Michael Pollan, Editions du trésor caché, 2010