Depuis ma petite fenêtre sur le monde j’assiste à une montée des courants végétariens au sens large : véganisme, végétarisme, flexitarisme anti-viandes et tout particulièrement de la viande rouge.
Pendant des années j’ai choisi de faire simplement mon travail, de ne pas donner d’avis particulier, de tempérer, d’arrondir les angles, mais certaines informations absolument fausses et une idéologie croissante qui va de pair avec des jugements accompagnés de leur cortège de culpabilisations me font aujourd’hui écrire cet article avec des informations qu’il me semble utile de partager.
La raison pour cela ? De plus en plus de jeune gens de plus en plus malades, que je vois défiler. Ils ne sont pas en forme à cause de leurs choix alimentaires. Dépression, sautes d’humeur, insomnie, chute de cheveux, fonte musculaire, difficulté à avoir des enfants, épuisement (à 25 ans !), troubles digestifs, manque de libido pour ne citer que les troubles les plus communs (voir un autre article sur le sujet ici). Ce n’est pas une fatalité, et avec une alimentation bien ciblée il est possible d’être en forme. Sauf si la tête impose une dictature où le corps ne peut pas exprimer ses besoins – Ou bien s’ils sont enfouis quand ils s’expriment.
La viande, le bouc émissaire
Ce n’est pas la viande qui est à pointer du doigt, mais notre système d’élevage, notre politique agricole, l’idéal du toujours plus, le capitalisme et la société de consommation.
La viande sert de bouc émissaire, car dans son état actuel celle que l’on trouve au supermarché est un pur produit du capitalisme, un miroir à la fois de la cruauté humaine et de notre rupture profonde avec les principes de la nature, conjuguée à notre soif de profit, coûte que coûte. L’animal est abaissé à un rang d’objet pour produire de la richesse – au profit des humains. Mais ce n’est pas naturel et il y a d’autres pratiques où la nature et l’animal sont respectés, et la santé des hommes et la planète sont préservées.
Examinons 3 mythes qui entourent l’élevage.
I. Trois mythes
Premièrement, rappelons un fait très simple et absolument indispensable pour la suite : les vaches sont des herbivores. Elles n’ont jamais demandé à manger ni farine animale ni soja OGM du Brésil, cultivé sur les tombes des arbres massacrés de la forêt amazonienne. Alors replaçons la vache dans son contexte naturel, qui est de brouter de l’herbe et débarrassons-nous du même coup de plusieurs grandes questions :
1. Pas de concurrence entre terre consacré à aux animaux et aux humains !
Abordons la question des terres arables consacrées à l’alimentation des animaux. Traditionnellement les pâturages étaient des terres non cultivables mais qui étaient adaptées pour nourrir les animaux. Dans un autre cas de figure, les vaches rentraient dans un système de rotation sur des terres arables pour apporter de l’engrais et nourrir le sol. Les bêtes n’ont pas besoin de terre arable pour elles-mêmes. Et 70 % des terres sur notre planète sont non cultivables (accès, pluie, sécheresse, sol etc.). Si on arrêtait de donner des céréales aux bovins pour fournir du bœuf industriel, on libèrerait 400 millions de tonnes de céréales qui nourriraient 1.3 milliard de personnes… Vous voyez, les vaches ne sont pas le problème, mais plutôt les humains qui leur font manger n’importe quoi ! Le bœuf ne doit pas prendre la place des cultures, il faut juste retourner à une pratique de pâturage sensée. Vous verrez plus loin qu’il y a des initiatives et des pratiques avec plus de 20 ans de recul pour faire pâturer dans l’intérêt de l’homme, des animaux et la planète. Tout le monde y gagne !
2. Pas de gaz à effet de serre avec de bonnes pratiques de pâturage : la séquestration du carbone
La déforestation, les émissions de CO2 peuvent du coup considérablement baisser : la vache élevée localement broute de l’herbe locale sur une terre non cultivable ou en rotation avec d’autres cultures pour donner de l’engrais naturel. Nul besoin de transports coûteux et néfaste pour la planète afin de déplacer des quantités astronomiques de céréales/soja/maïs cultivés en monoculture chimique, alourdissant au passage le bilan carbone.
Selon les Amis de la Terre ce type d’élevage est susceptible de participer à la limitation du réchauffement climatique : « Directement ou indirectement, le bétail est responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Pourtant, agriculteurs et scientifiques affirment qu’avec une gestion appropriée le bétail ne serait plus un fardeau pour le climat. L’élevage des bovins ne doit pas forcément être nuisible au climat. La garde des animaux en pâturage est avantageuse : la transformation de champs cultivés en friches permet de retenir les plus grandes quantités de dioxyde de carbone dans les 30-40 premières années. On ne devrait pas sur-fertiliser ces prairies avec un trop grand nombre d’animaux ou de grandes quantités d’engrais chimiques, et laisser les systèmes de racines des plantes se développer sans contrainte. Les bovins rejettent du méthane : les fermes bovines et laitières dont les animaux produisent 28 % de ce gaz particulièrement nuisible au climat, sont souvent blâmées pour cette raison. Mais si les bovins paissent en pâturage, presque tous ces gaz peuvent être retenus dans le sol. Et les animaux ne devraient pas recevoir de céréales ou du soja comme aliment complémentaire.1 »
Pour creuser le sujet on peut s’intéresser au management holistique des pâturages, avec un historique documenté de près de 20 ans ; il contribue à ralentir le réchauffement climatique, et permet de lutter contre la désertification et la dégradation du sol grâce aux animaux : voir à ce sujet la vidéo TED talk d’Allan Savory 2.
3. 15 000 Litres d’eau par jour pour un veau – Sérieux ?
On en fait des salades tous les jours sur les réseaux sociaux de cette question de litre d’eau par kilo de viande ! Pour info, Simon Fairlie3 a très précisément étudié cette question, et il est arrivé à la conclusion que même si les bêtes ont été nourries avec des céréales issues de cultures irriguées, en prenant aussi en compte l’eau de pluie comme perdue dans cette équation, on n’arrive pas à des chiffres pareils.
A quoi renvoit alors ce chiffre de 15 000 litres ? Pour 98%, à l’eau nécessaire pour produire les céréales qu’on donne aux bêtes ! Seulement 2 % est réservé véritablement aux animaux.
Vous pouvez étudier les notions des eaux bleues, grises et vertes et vous comprendrez alors que le calcul de ce chiffre est loin de refléter la réalité. Les vrais chiffres : En France, selon la norme ISO 14046 prenant en compte les prélèvements d’eau réels et leur impact sur le milieu, il faudrait entre 300-350 litres d’eau4 pour produire un kilo de viande bovine. Bien loin donc des 15 000 litres que dénoncent les sites5 .
II. Manger végé ne peut pas sauver la planète
1. Cultiver des protéines végétales et des huiles végétales prend de la surface
Manger végétarien ne sauvera pas la planète pour une deuxième raison : il n’y a pas assez de terres arables pour cultiver la quantité de protéines végétales et des graisses végétales pour nourrir tout le monde. Ainsi en prenant l’exemple de la Grande Bretagne, si tout le monde là-bas passait aux huiles végétales en délaissant les graisses animales locales (et traditionnelles), ce ne serait pas très bénéfique pour le transport (il y a peu d’oliviers en Ecosse, alors il faudrait se tourner vers le sud). Par ailleurs, la production d’huile végétale est très gourmande en hectares : 20 m² par kilo pour l’huile végétale contre 14 m² pour le beurre. De plus on parle de terres non présentes sur les îles britanniques, ce qui prendrait également de la terre arable aux populations locales du sud par ailleurs, qui ne serait pas en mesure de cultiver leur nourriture sur place, faute de devoir fournir de l’huile pour les pays riches. Pas très sympa pour nos voisins dans les pays en développement où très souvent les gens ont faim…Sans parler des coûts de transport en termes écologiques.
2. Les minéraux – des sources limitées sur terre
Les animaux ne fournissent pas uniquement le fumier pour la fertilisation des sols ou ne font pas que « tondre la pelouse » ou tirer la charrette. Après leur mort ils contribuent à nourrir la terre (tout comme nous, les humains, au passage) de sang, d’os, contribuant ainsi au recyclage de certains minéraux présents en quantité très limitée sur la planète, comme le phosphore. Et puis, savez-vous que les os et le sang font traditionnellement partie de la culture ? Si vous étudiez la biodynamie ou l’histoire de l’agriculture vous verrez qu’on les utilise depuis toujours et qu’ils ont un rôle important. Pour comprendre le vivant, il faut l’étudier dans sa globalité et il faut reconnaitre que les animaux nous rendent des services inestimables, tout en faisant partie du cycle complet de la vie, tout comme nous, les humains, qui seront mangés par les bactéries, les vers, les plantes et les arbres pour les nourrir à notre tour sous forme de sang ou d’os ou encore comme cendres…
Sans rentrer dans les détails, même une permaculture végan débarrassée entièrement du rôle des animaux marche moins bien ou nécessite plus de terres…pour parvenir au même résultat. Sauf que c’est contre nature à mon sens, donc pas une vraie option.
3. Et nous, les hommes ?
Comment s’occuper au mieux de la terre, de la vie, si on n’est pas soi-même en forme ? Passer quelques mois en étant végan peut être très bénéfique pour la santé. Mais le véganisme n’est pas un mode alimentaire, mais plutôt une cure de drainage. Or, on ne peut pas être en cure de drainage en continu. A un moment donné tout est déjà drainé et si on pousse plus loin, le corps va petit à petit décomposer les sources qui lui sont accessibles : les muscles, les os, les dents. A un moment le corps va réclamer les nutriments pour se ressourcer, pour se reconstruire, pour se reproduire : ceux contenus dans les œufs, le fromage, le poisson, le beurre, le ghee (voir mon article sur un régime végé équilibré) ou de la viande. Les aliments issus des animaux, parce que nous appartenons au règne animal, apportent des nutriments davantage biodisponibles que leurs versions végétales, du fait de notre proximité génétique. En quelque sorte c’est du prêt à assimiler tandis qu’au sein du règne végétal il y a des nutriments à convertir… Pensez à le béta-carotène et à la vitamine A : le béta-carotène, qui est une PRO-vitamine A, doit être convertie pour pouvoir être utilisée.6
Le mode alimentaire végétarien est en revanche viable et sain si le métabolisme y est adapté. Pour connaître votre « profil » vous pouvez lire les livres de Taty Lauwers ou bien vous tourner vers un coach formé à l’approche. Et pour bien équilibrer votre assiette, consommez des sous-produits animaux comme les laitages, les oeufs ou le beurre comme l’explique Nathasha Campbell McBride dans son livre.6
• Qu’est-ce qui peut sauver la planète alors ?
Dans la bibliographie en fin d’article que je vous ai sélectionnée, se dessine une nouvelle approche agriculturale durable, globale, planifiée et exécutée dans le respect de la terre, des animaux et des hommes ; elle peut sauver la planète. Avec par exemple le management holistique d’Allan Savory, ou Joel Salatin, l’agriculture régénératrice ou assimilée , ou bien la permaculture bien menée, avec l’intégration d’animaux, bien entendu. De manière concrète, l’agriculture biologique locale, non industrielle, qui se soucie de l’équilibre de la nature et du bien-être animal, qui respecte les hommes et tous les habitants de la Terre (animaux et végétaux) en évitant les intrants chimiques, les soins inutiles et dangereux pour les animaux, est une des voies à suivre. Tout comme l’agroécologie, qui cherche à intégrer dans sa pratique l’ensemble des paramètres de gestion écologique de l’espace cultivé, avec l’aide de la science. L’attention est portée à une meilleure utilisation de l’eau, à la lutte contre l’érosion, aux haies, au reboisement, aux rôles des animaux et à la gestion active des pâturages …7
• Qu’est-ce que je peux faire ?
En consommant simplement des produits irréprochables, produits ou élevés dans les règles de l’art, dans le respect de la planète, et de tous les êtres vivants, nous contribuons à préserver la planète. Choisissons des produits locaux, de saison, issus d’une production à échelle humaine, achetés crus et nus, puis transformés loin des chaines de transformations industrielles, avec amour, et la plupart du temps si possible par nous-mêmes à la maison.
Quand je choisis ma source, quand je donne mon argent à un producteur dont l’éthique me convient, quand j’écoute mon corps pour prendre soin de lui, j’agis simplement, à mon niveau, à mon échelle locale et je peux dormir tranquillement : je fais ma part. Je fais ma part tous les jours, voire trois fois par jour, en faisant les courses, en cuisinant et en mangeant, non pas avec ma tête, mais avec mes tripes. La vraie question à se poser à mon sens est la suivante : dans quelles circonstances ont été produits, cultivés, élevés, transformés les aliments que vous mangez. Sauvons ensemble la planète, producteurs, éleveurs, agronomes et consommateurs – en choisissant des aliments dignes de ce nom.
Article écrit avec l’apport et la réflexion de Sylvain, auteur du blog Clair et Lipide
- [1] Les Amis de la Terre, Fondation Heinrich-Böll-Stiftung (edits.) 2014 L’Atlas de la viande : la réalité et les chiffres sur les animaux que nous consommons (Version française) http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/latlasdelaviande.pdf» (2014, p. p. 34 – 35)
- [2] https://www.ted.com/talks/allan_savory_how_to_green_the_world_s_deserts_and_reverse_climate_change
- [3] https://www.amazon.fr/Meat-Benign-Extravagance-Simon-Fairlie/dp/1856230554/ref=sr_1_1?s=english-books&ie=UTF8&qid=1516264820&sr=1-1&keywords=simon+fairlie
- [4] http://idele.fr/filieres/publication/idelesolr/recommends/empreinte-eau-de-la-viande-bovine-des-verites-a-retablir.html
https://www.slideshare.net/idele_institut_de_l_elevage/lempreinte-eau-de-la-filire-viande-bovine-et-ovine-analyse-des-mthodes-et-premiers-chiffrages - [5] http://waterfootprint.org/en/water-footprint/product-water-footprint/water-footprint-crop-and-animal-products/
- [6] http://www.vegetarianismexplained.com/
- [7] http://www.osez-agroecologie.org/l-agroecologie
Pour aller plus loin :
- https://www.savory.global/
- Simon Fairie : Viande, une extravagance inoffensive https://www.amazon.fr/Meat-Benign-Extravagance-Simon-Fairlie/dp/1856230554/ref=sr_1_1?s=english-books&ie=UTF8&qid=1516264820&sr=1-1&keywords=simon+fairlie
- https://arpentnourricier.wordpress.com/2011/03/17/la-viande-une-extravagance-inoffensive/
- http://waterfootprint.org/en/water-footprint/product-water-footprint/water-footprint-crop-and-animal-products/
- http://www.regenerateland.com/
- https://www.consoglobe.com/eau-virtuelle-la-viande-plaide-non-coupable-cg/2
- Dr Natasha Campbell-McBride M.D : Vegetarianism Explained: Making an Informed Decision, 2017
- Sheldon Frith: Letter To A Vegetarian Nation: We Need Livestock For Sustainable Food Production And Environmental Restoration, Format Kindle