Nous roulerait-on dans la farine ?
Quand j’étais enfant, j’adorais le beurre. Mes tartines ressemblaient plutôt à des tartines de beurre avec un peu de pain en dessous. Le bonheur pour le goûter quand on revient affamé après 2h d’entrainement intensif , ce qui était mon quotidien.
Puis ma mère nous a mis à la margarine. Je ne comprenais pas. Certes, elle avait le même look, parfois même le même goût mais dans ma bouche je sentais que ce n’était pas pareil. Mon bonheur du goûter a disparu, j’ai abandonné mes tartines pour des gâteaux : il n’y avait plus aucun plaisir à manger du pain tartiné de margarine…
En effet, la margarine a bien l’aspect du beurre, sa couleur, et grâce aux arômes elle peut même se rapprocher de son goût. Et pourtant, elle reste un produit industriel hautement transformé quasi dépourvu de nutriments de qualité (sauf quand on rajoute après et sous forme synthétique ce qu’on a perdu en cours de route).
Savez-vous comment produire du beurre ? Vous pouvez essayer, c’est facile : en gros vous avez besoin de bonne crème et d’un récipient. Si vous avez juste une petite quantité de crème, disons 25 cl, il vous suffit de secouer le bocal pendant environ 10 minutes pour obtenir du beurre. Pour une plus grande quantité de crème choisissez ce que vous avez sous la main parmi les propositions de Taty Lauwers : mixeur, batteur sur socle, thermomix etc.
Et, par comparaison, voici la fabrication de la margarine selon l’encyclopédie Larousse
Les matières premières sont déjà des produits industriels transformés : huiles raffinées désodorisées et poudre de lait. Et pour continuer, ces produits transformés seront ultra-transformés pour arriver à une « chose » (qui ne rentre pas dans catégorie « aliment » au sens propre : un aliment peut NOURRIR une personne. Cette « chose » en donne vaguement l’impression mais les cellules ne peuvent rien en faire étant donné qu’elle ne contient pas de nutriments dignes de ce nom. Il s’agit juste d’un assemblage d’un peu de ceci et d’un peu de cela… que vous ne retrouverez d’ailleurs pas forcément sur l’emballage : en dessous de 2 % de la quantité il n’y a aucune obligation d’affichage…
Pourquoi je vous parle d’une vieille histoire qui perdure depuis des décennies ?
Car l’histoire se répète et s’amplifie même. Avec beaucoup de choses : les oeufs sans oeufs, la viande sans viande, le fromage sans lait etc etc etc.
Non, je ne plaisante pas, vous pouvez aujourd’hui faire une omelette sans oeufs, jetez donc un oeil sur https://www.ju.st/en-us/get-just-egg
Et ces gens sont tellement malins qu’ils vous font faire le travail de marketing à leur place : vous pouvez directement contacter les grandes chaines à partir de leur site pour réclamer qu’on vous la fasse, cette omelette sans oeufs, un exemple de demande est même disponible en téléchargement sur le site. N’est-ce pas merveilleux ?
Pas contre, soyez sûr que ce n’est pas l’altruisme qui les guide. Ni le souci de notre planète d’ailleurs. Alors quoi ? Regardez le prix ! La bouteille de Just egg équivalente à 8 œufs est à 6,45 $ (20 janvier 2020). Pour cette somme vous aurez une vingtaine d’oeufs bio dans la même enseigne. Lucratif, non ?
Et pour bien vous mettre l’eau à la bouche je colle les ingrédients en VO ici :
Et je ne vous ai même pas parlé de l’Impossible burger ou des saucisses qui contiennent les ingrédients suivants :
Water, Soy Protein Concentrate, Coconut Oil, Sunflower Oil, Natural Flavors, 2% or less of: Potato Protein, Methylcellulose, Yeast Extract, Cultured Dextrose, Food Starch Modified, Soy Leghemoglobin, Salt, Soy Protein Isolate, Mixed Tocopherols (Vitamin E), Zinc Gluconate, Thiamine Hydrochloride (Vitamin B1), Sodium Ascorbate (Vitamin C), Niacin, Pyridoxine Hydrochloride (Vitamin B6), Riboflavin (Vitamin B2), Vitamin B12.
Donc ces « choses » qui contiennent un peu de protéines de soja et beaucoup d’additifs de toutes sortes, des vitamines de synthèse et des arômes ont beaucoup de valeur. Pas nutritivement, bien entendu. Ces burgers nouvelle donne sont 1 à 2 dollars plus chers que leurs équivalents classiques dans les fast food américains. Ils n’ont pas encore été introduits en France, mais cela ne devrait pas tarder, tant il y a à gagner sur le dos des consommateurs non-avertis.
Un autre exemple : le poulet végétal
Le paquet à 10 dollars contient 140 g de produit fini sec. Qui équivaut selon le fabricant à 400 g de produit fini. Cela fait cher le poulet… même pas bio, qui plus est…. Parmi les ingrédients on trouve des protéines de blé, des protéines végétales issues de pois et de haricots mungo, de la methylcellulose (E461), des arômes, des fibres ajoutées, des exhausteurs de goûts, de la levure, quelques aromates et de la vitamine B12. Des produits douteux, hautement transformés, soit-disant naturels car à base de pois et de haricots.
Et bien entendu, on ne vous dira pas que ces produits sont hautement transformés, faiblement nutritifs, avec des additifs et ingrédients douteux voire potentiellement dangereux. On met en avant le fait que le produit est exempt de conservateur, de soja, de cholestérol, d’OGM, de sucre ajouté, et qu’il est végan, riche en fibre et en vit. B 12 (ajoutée). Bien trouvés, les arguments ! Sauf qu’ils ne correspondent pas à 5 critères d’achat (sur 6 !) qui sont listés plus bas pour vous aider à choisir. Il ne s’agit donc pas d’un aliment, mais de ce que j’appelle un OCNI (objet comestible non identifié).
Qu’est-ce qui fait donc que nous regardons ces produits hautement transformés et dépourvus de nutriments comme des choix sains et écologiques ?
Je vous propose ici l’explication du Prof. Frederic Leroy*, chercheur à l’Université libre de Bruxelles.
Il explique dans sa conférence (entre autres) que l’agriculture est devenue difficile. Il y a toutes sortes de problèmes, qui rendent la vente difficile et les marges minimes. L’œuf, le lait, la viande, les légumes ne sont pas transformés. De plus, les difficultés liées au transport, les dates limites courtes et la durée de vie sur les étals ajoutent toutes sortes de pertes extrêmement désagréables quand on veut gagner de l’argent. Il faut donc trouver autre chose pour devenir riche. C’est ce qu’a compris notamment Bill Gates : il a investi dans Beyond meat, qui produit le Beyond Burger, et dans Impossible Food, créateur du porc à base de hème issu du soja, une molécule cultivée sur des levures génétiquement modifiées.
Comment fait-on avaler à des foules un sous-produit comme la margarine* ou la pseudo-viande ?
Il existe plusieurs voies, toujours selon Frédéric Leroy, dont celles de la réglementation et de la taxation (comme dans le cas de la viande rouge), mais c’est long et les résistances sont nombreuses. On peut également modifier les recommandations officielles, ce qui est pratiqué dans de nombreux pays. Les applications disponibles sur votre smartphone et basées sur ces recommandations y concourent également, voir mon article ICI.
Mais il y a une voie beaucoup plus simple :
rendre le produit tendance
Prenez donc un produit. Trouvez des influenceurs, des célébrités, qui en parlent ou qui tweetent. Trouvez des blogueurs naïfs qui relaient et qui montrent dans leurs vidéos des recettes géniales que vous pourrez reproduire à la maison. Trouvez des arguments et des slogans faciles qui restent dans la tête, et qui rallient les gens autour d’une idée(ologie).
Facultatif, mais conseillé : vous pouvez jouer aussi sur les émotions, à tous les coups on gagne ; en marketing c’est bien connu, les animaux et les enfants, ça marche à coup sûr. Attachez à cela une vision du monde écologique, pure, branchée « green lifestyle » et le tour est joué. Le storytelling fera le reste. Vous n’avez même pas à dépenser des millions en marketing…
Le marketing à l’occidental est une force très puissante et parfois subtile. Il va suggérer qu’un « healthy lifestyle » est « plant-based », « veggie », « green », il va rallier les foules à des groupes, à des rêves, à des idéaux. Il va mettre en scène des célébrités leaders d’opinion : en devenant végétalien je vais courir comme Carl Lewis ou je vais avoir une carrière comme Nathalie Portman. Sans parler des multiples influenceurs ou youtubeurs qui se présentent comme des modèles à suivre.
Le petit plus…
Et si vous ajoutez à cela quelques scientifiques en guise de caution, vous raflez la mise. Comme pour le cas de la margarine cité au début d’article, avec Ancel Keys. Cette histoire a débouché sur 60 ans de tromperies sur les graisses et leur soi-disant rôle dans les maladies cardio-vasculaires, dont la mauvaise réputation reste tenace malgré le démenti formel des recherches et les preuves de la communauté scientifique. Aujourd’hui, les gens ont toujours peur des graisses saturées, même naturelles, même de bonne qualité ; des médecins prescrivent des régimes sans graisses (et des statines) et pour autant, le nombre de maladies cardio-vasculaires ne cesse d’augmenter. Cherchez l’erreur. (si vous n’avez pas tout suivi, il y a cet article qui résume toute l’histoire)
Tomberons-nous deux fois
dans le même piège ?
Observez-bien ces deux publicités. Cherchez les points communs. Comme c’est surprenant. Elles utilisent les mêmes arguments :
LOOKS LIKE, COOKS LIKE, TASTES LIKE….
Si ça a marché une fois, pourquoi cela ne marcherait-il pas de nouveau ?
Voici ce que vous pouvez faire
pour ne pas tomber dans la piège
Michael Pollan dans son livre Les règles d’une saine alimentation nous conseille d’observer quelques points essentiels :
- N’achetez pas de produits avec une allégation santé. (riche en… source de….)
- N’achetez pas de produits dont vous avez vu la publicité.
- N’achetez pas de produit qui prétend être autre chose ce qu’il est : margarine, fauxmage, yaourt de soja, lait végétal, steak végé etc.
- N’achetez pas de produit alimentaire avec plus de 5 ingrédients.
- N’achetez pas de produit dont le premier ingrédient est le sucre.
- N’achetez pas de produit dont la durée de vie est anormalement longue (le lait devient aigre ou tourne après quelques jours, c’est normal. Ce qui n’est pas normal, c’est de le voir en bouteille/pack avec une durée de vie de 2 ans.) Ne consommez que des aliments qui finiraient par pourrir.
Et pour aller plus loin, vous pouvez lire cet article sur mon blog ou bien entendu lire son ouvrage, voir ci-dessous.
Sources :
1 – suggérant par exemple que la graisse bouche les artères ou encore que la viande rouge induit le cancer
2 – Michael Pollan, Les règles d’une saine alimentation, 2010, Editions du Trésor Caché
https://www.larousse.fr/encyclopedie/images/Fabrication_de_la_margarine/1005298
http://www.taty.be/laitRJ/beurrefraisREF.html
*Frédéric Leroy : meat’s become a scapegoat for vegans, politicians & the media because of bad science https://www.youtube.com/watch?v=w_RFzJ-nFLY
Nourritures Vraies, Taty Lauwers, Aladdin, 2010
Vous êtes fou d’avaler ça!, Christophe Brusset, Flammarion, 2015
Compositions de quelques « plant-based » produit : https://wellness.consumerfreedom.com/ingredient-guide/products/