Avoir à cœur sa santé et bien se nourrir est une intention tout à fait louable. Mais dans le contexte actuel – entre les messages incessants sur ce qu’il faut faire ou éviter, les tentations marketing et les standards irréalistes de beauté, pour ne citer que quelques exemples – ces préoccupations peuvent insidieusement dériver vers des comportements qui finissent par nuire à votre bien-être.
Et c’est là que réside toute la difficulté : où se situe la limite entre des préoccupations saines et justifiées, et le moment où elles basculent dans l’obsession, les émotions négatives, le contrôle excessif ou une charge mentale écrasante qui vous empêche de vivre pleinement ?
Pour commencer, il est essentiel de clarifier ce que l’on entend par troubles alimentaires : distinguer ce qui relève d’une prise en charge médicale et ce qui correspond à des comportements perturbés, souvent invisibles de l’extérieur. Ces derniers, bien que moins graves et ne relevant pas d’un diagnostic médical, peuvent malgré tout peser lourd sur votre quotidien.
1. TCA – Troubles des Conduites Alimentaires
Les diagnostics médicaux relatifs aux troubles alimentaires sont clairs, classifiés et détaillés dans des ouvrages de référence comme le DSM-5. Ces troubles, également appelés troubles des conduites alimentaires (TCA), désignent des problématiques psychologiques spécifiques, reconnues et diagnostiquées médicalement.
Parmi eux, on retrouve notamment :
- L’anorexie mentale,
- La boulimie,
- L’hyperphagie boulimique,
- Et d’autres troubles décrits dans ces classifications.
Ces problématiques nécessitent une prise en charge adaptée, assurée par des professionnels de santé formés à ces troubles.
2. Comportements ou habitudes alimentaires dysfonctionnelles
Contrairement aux troubles alimentaires, il ne s’agit pas nécessairement d’un diagnostic médical formel, mais plutôt d’une description d’attitudes ou de comportements liés à l’alimentation qui bien qu’ils puissent sembler anodins, peuvent devenir problématiques et nuire au bien-être. Comme par exemple :
- Sauter régulièrement des repas,
- les envies alimentaires irrépréssibles
- l’hyperphagie (nocturne)
- l’obsession de manger sainement (l’orthorexie)
- l’obsession d’éviter certains aliments (hors allergies)
- L’exercice physique excessif
- dysmorphie musculaire (bigorexie)
- Avoir une obsession pour les régimes, des cures, des jeûnes
- Éprouver de la culpabilité ou la honte après avoir mangé
- Se surveiller en permanence
- etc.
Le difficile équilibre entre bien-être et obsession
Le problème avec ces comportements, c’est que dans notre société, ils sont non seulement acceptés, mais parfois même valorisés. Faire du sport, par exemple, est perçu comme une habitude saine et bénéfique. Mais où se situe la limite entre une pratique équilibrée et un excès nuisible ? Difficile à déterminer, surtout de l’extérieur.
De même, manger sainement et choisir des aliments adaptés à ses besoins digestifs est une démarche louable. Mais à quel moment cela devient-il une obsession ? Quand cela commence-t-il à empêcher une personne de sortir, de profiter d’une vie sociale, ou d’accepter des invitations sans stress ?
Cette obsession peut également engendrer une charge mentale considérable : anticiper, planifier, préparer, acheter, analyser chaque aliment, élaborer des menus détaillés, et finalement s’auto-juger, voire se culpabiliser. À quel moment ces comportements cessent-ils d’être bénéfiques pour devenir source de souffrance ? Là encore, la frontière est floue.
Pour mieux visualiser, voici une image :
3. La frontière invisible entre sain et obsessionnel
Les comportements alimentaires se situent sur un continuum allant d’habitudes alimentaires saines et flexibles à des comportements rigides, émotionnellement chargés ou compulsifs. Entre ces deux extrêmes, il existe une zone grise où les comportements peuvent sembler globalement fonctionnels mais révéler des signes de perturbations.
Sur l’image, j’ai visualisé un dégradé de couleurs où le jaune représente une relation alimentaire entièrement saine et le noir des troubles alimentaires sévères, avec des nuances de gris symbolisant les différentes formes de perturbation.
La zone grise, bien qu’elle puisse sembler peu préoccupante, peut avoir des répercussions significatives sur la qualité de vie. C’est dans cette zone que se joue souvent la frontière invisible entre une relation globalement apaisée à l’alimentation et une dynamique plus insidieuse de contrôle, de culpabilité ou de mal-être.
Les personnes situées dans cette zone peuvent fonctionner « normalement » en apparence, mais ressentir une charge mentale constante liée à la nourriture, un stress face aux choix alimentaires ou encore des émotions négatives. Ces comportements, bien que socialement acceptés – voire valorisés – peuvent progressivement miner l’estime de soi, altérer les relations sociales, et empêcher une connexion authentique avec ses besoins profonds. Cette zone grise n’est pas une destination fixe : elle peut être le point de départ d’une dégradation vers des troubles plus sérieux ou, au contraire, l’occasion d’un travail de réajustement pour retrouver un équilibre.
4. Les influences multiples sur le comportement alimentaire
Les comportements alimentaires sont influencés par une multitude de facteurs, notamment :
- Les normes sociales et culturelles (comme l’idéal minceur).
- Les émotions (stress, anxiété, culpabilité).
- Les expériences personnelles (comme les traumatismes)
- et bien d’autres
Ces influences varient d’une personne à l’autre et façonnent la manière dont chacun interagit avec la nourriture, ce qui rend difficile de tracer une limite stricte entre « normal » et « anormal ».
Un comportement perturbé n’entraîne pas toujours une souffrance visible ou immédiate. Parfois, les conséquences négatives (physiques ou psychologiques) se manifestent progressivement. Cela montre qu’il n’y a pas de seuil universel pour déterminer à quel moment un comportement devient nocif pour la personne elle-même.
Vous voyez que les nuances s’imposent et s’examinent au cas par cas. Comme vous êtes la personne le mieux placer pour savoir ce qui se passe pour vous, je vous propose un quiz.
Pour les professionnels : une vigilance essentielle dans l’accompagnement
Dans notre travail d’accompagnement autour de l’alimentation, une vigilance accrue s’impose. Le message que nous transmettons peut, parfois inconsciemment, orienter nos clients dans une direction ou une autre, et la différence est de taille. Allons-nous, en cherchant à aider, risquer de renforcer une dynamique problématique ou, pire, causer un mal plus grand à la personne qui sollicite notre aide ?
Il est donc essentiel d’adopter une posture qui ne favorise pas ce glissement et rester très vigilant sur les manifestations qui pourraient nous l’indiquer. S’abstenir de tout discours ou intervention qui pourrait faciliter l’enlisement du client dans un mode de fonctionnement potentiellement problématique. Par ailleurs, rester attentif aux manifestations qui pourraient indiquer ce glissement nous permet d’agir à temps et de proposer des interventions adaptées pour l’enrayer.
La formation « Les Leviers de Changement » est conçue pour vous outiller et vous guider dans ce travail délicat, afin de toujours accompagner vos clients vers le côté lumineux et apaisé du tableau.